À mesure que les enfants traversent les différentes phases de leur développement, il est naturel de rencontrer une diversité de comportements. Ceux-ci peuvent aller de la curiosité insatiable à l’affirmation de soi, en passant par des moments de frustration. Cependant ces comportements peuvent prendre des formes plus complexes et défiantes, signalant ainsi la présence de troubles du comportement chez l’enfant.
Les dernières avancées en psychologie de l’enfant ont permis d’approfondir la compréhension de ces comportements, en éclairant les aspects psychologiques et émotionnels sous-jacents. C’est ce que je vais tenter de décrypter dans cet article.
Identifier les troubles du comportement chez un enfant
Les enfants sont connus pour leurs comportements divers et en constante évolution à mesure qu’ils grandissent et apprennent à naviguer dans le monde qui les entoure. Cependant, il arrive parfois que certains enfants présentent des comportements qui dépassent les limites de ce qui est considéré comme « la norme ». Ce qui pourrait signaler la présence potentielle de troubles du comportement. Ruben SMADJA, Bernard GOLSE et Marie Rose MORO distinguent d’ailleurs la « bêtise » normale de celle qui est considérée comme pathologique, en parlant de « bêtise symptôme ».
Ces comportements peuvent être déroutants et préoccupants pour les parents, les enseignants et les professionnels de la santé. Heureusement, les récentes avancées en psychologie de l’enfance ont jeté une lumière nouvelle sur ces troubles, offrant des perspectives éclairantes sur leurs origines, leurs manifestations et leurs approches de traitement.
Les troubles du comportement chez les enfants se manifestent sous différentes formes, allant de l’agressivité et de l’opposition à des comportements impulsifs et défis d’autorité. Il est important de noter que le comportement des enfants peut varier en fonction de facteurs tels que l’âge, la personnalité et l’environnement familial. Cependant, lorsque ces comportements deviennent persistants, perturbent la vie quotidienne de l’enfant et entravent son développement, il est temps de considérer la possibilité d’un trouble du comportement.
On identifie plusieurs types de troubles du comportement chez l’enfant. Les deux catégories principales sont :
1. Les troubles du comportement externalisés
Ces troubles se manifestent par des comportements visibles et perturbateurs, tels que l’agression et l’hyperactivité. Dans de nombreux cas, il s’agit de l’expression d’émotions négatives telles que la colère et la nervosité. L’origine est principalement environnementale, c’est-à-dire qu’elle provient de l’expression d’un mal-être suite à l’exposition prolongée à des comportements agressifs venant d’autrui.
Cela peut provenir du comportement de l’un ou des deux parents. Mais c’est peut-être aussi le signe que quelque chose se passe mal à l’école. Par exemple, si l’enfant est victime de violences physiques ou psychologiques de la part de ses camarades ou s’il se fait racketter au quotidien.
A noter également que des facteurs externes comme l’exposition récurrente à des jeux agressifs sur les écrans peuvent également être la cause de ces troubles du comportement. Une trop grande consommation de sucre pourrait aussi expliquer ce type de décharge émotionnelle. Bref, les causes peuvent être multiples.
2. Les troubles du comportement internalisés
Ceux-ci englobent des comportements plus intérieurs, comme l’anxiété et la dépression et peuvent affecter la personnalité actuelle de l’enfant. Parmi ces comportements, on retrouve l’auto-agressivité.
L’enfant peut avoir des conduites à risque qui l’amèneront à tomber, se cogner ou se blesser de manière plus ou moins involontaire. Ainsi, il n’adoptera pas de comportement défensif lorsqu’il est attaqué par un condisciple ou un parent violent. C’est généralement lors de la pré-adolescence qu’on voit apparaître les premières auto-mutilations. L’enfant s’inflige alors lui-même des blessures, de manière directe.
Le manque ou l’absence d’affirmation de soi peut conduire à un comportement globalement passif. L’enfant semble alors résigné et n’exprime que peu de plaintes. Sa souffrance peut être partiellement ou totalement silencieuse. Les émotions ressenties peuvent être proches de la haine de soi et de la honte, que l’on retrouve notamment chez les enfants victimes d’abus sexuels. Nous en parlerons dans un prochain article.
Déceler l’origine des troubles du comportement chez l’enfant
La réalisation de l’anamnèse de l’enfant
Savoir d’où sont issus les troubles du comportement chez l’enfant est essentiel. Ainsi, le/la psychologue qui recevra votre enfant veillera à vous questionner afin de recueillir un maximum d’informations sur l’environnement familial et scolaire d’une part et sur le tempérament et la personnalité de votre enfant d’autre part.
Vous lui expliquerez également depuis quand les troubles sont apparus et s’ils sont un frein ou non à la vie de famille. D’autres personnes s’en sont-elles plaintes, comme l’institutrice ou certains camarades de votre enfant ? Avez-vous décelé une souffrance chez lui ? Emet-il/elle des plaintes ou non ? Etc.
C’est ce qu’on appelle l’anamnèse de l’enfant. Autrement dit : l’histoire du trouble dans tous ses aspects psycho-médico-sociaux. A commencer par la grossesse : comment s’est-elle déroulée ? Y a-t-il eu séparation précoce entre lui et vous ? Le père était-il présent ? Et aujourd’hui, quel rôle joue-il dans la vie de l’enfant ? Etc.
Quel type de thérapie est la mieux adaptée ?
Cette première investigation peut déjà prendre plusieurs séances. Selon le professionnel, vous le rencontrerez d’abord seul ensuite avec votre enfant. Si une thérapie individuelle est nécessaire, alors il verra votre enfant seul. Dans le cas contraire, il est possible que ce soit une thérapie familiale qui soit suggérée par le praticien de la santé mentale que vous consultez. Il peut s’agir d’un.e psychologue mais aussi d’un.e pédopsychiatre.
Dans certains cas, il est indispensable de consulter les deux afin de mettre en place des approches de traitement efficaces. Le/la pédopsychiatre pourra identifier d’éventuels éléments génétiques et neurobiologiques tandis que le/la psychologue s’attachera à déceler les facteurs environnementaux et intrapsychiques qui sont à l’oeuvre dans ce type de troubles.
Quels outils sont nécessaires en thérapie de l’enfant ?
Lors du travail thérapeutique avec l’enfant, des techniques variées seront préconisées, comme le recours au dessin ou au jeu. Des tests psycho-affectifs et projectifs peuvent également être utilisés. Si par exemple le/la psychologue ou le médecin détecte des difficultés d’ordre neurologique tel un TDA-H (trouble déficitaire de l’attention, avec ou sans hyperactivité), il pourra vous renvoyer vers un.e spécialiste en neuropsychologie.
Des facteurs génétiques et environnementaux à l’oeuvre dans le trouble du comportement chez l’enfant
Les facteurs génétiques jouent aussi un rôle dans la prédisposition aux troubles du comportement. Certaines variations génétiques peuvent influencer la régulation des émotions et la réponse au stress, ce qui peut contribuer à des comportements problématiques. En outre, des anomalies dans le fonctionnement cérébral, en particulier dans les régions liées au contrôle émotionnel et à l’inhibition des impulsions, peuvent être associées à certains troubles du comportement.
L’environnement dans lequel l’enfant grandit joue également un rôle crucial. Les expériences précoces, comme l’exposition à des traumatismes, la négligence ou des modèles de comportement inappropriés, peuvent influencer la manière dont les schémas comportementaux se développent. C’est un sujet que nous avons déjà abordé, entre autres lors de l’analyse du film « Jusqu’à la garde ».
Les troubles du comportement peuvent parfois résulter d’une combinaison de facteurs génétiques prédisposants et d’environnements stressants ou perturbés. Dans ce cas, mieux vaudra faire appel à une équipe de professionnels spécialisés comme on en trouve dans certains hôpitaux.
Manifestations et conséquences
Les manifestations des troubles du comportement chez l’enfant peuvent varier considérablement en fonction du type de trouble et de la personnalité de l’enfant. Certains enfants peuvent présenter des comportements agressifs, des accès de colère intenses et une hostilité envers les figures d’autorité. Comme nous l’avons déjà vu, d’autres peuvent se retirer socialement, manifester des symptômes d’anxiété et de dépression, ou encore adopter des comportements auto-destructeurs.
Ces comportements peuvent avoir des conséquences profondes sur la vie de l’enfant. Sur le plan scolaire, les enfants aux comportements perturbateurs peuvent avoir du mal à se concentrer en classe, à maintenir des relations positives avec leurs pairs et à atteindre leur plein potentiel. Sur le plan émotionnel, les troubles du comportement peuvent engendrer une faible estime de soi, des problèmes d’adaptation sociale et une prédisposition à développer des troubles mentaux à l’âge adulte.
Chaque enfant a le potentiel de grandir, d’apprendre et de se développer, même face à des défis comportementaux. En investissant dans des interventions précoces et en encourageant le développement de compétences émotionnelles et sociales, nous pouvons offrir à ces enfants une voie vers la réussite et l’épanouissement. La prise en charge holistique des troubles du comportement demande du temps, de la patience et une approche adaptée à chaque enfant. Mais elle vaut la peine d’être sollicitée car elle a le pouvoir d’enrayer les conséquences de ces troubles du comportement chez l’enfant lui-même mais aussi chez son entourage.
Stratégies d’intervention et de soutien de l’enfant manifestant des troubles du comportement
Face à un enfant présentant des troubles du comportement, il est essentiel de mettre en place des stratégies d’intervention et de soutien appropriées. Les approches varient en fonction de la nature du trouble et de sa gravité. L’approche multidisciplinaire impliquant des professionnels de la santé mentale, des éducateurs et les parents est souvent recommandée.
Parmi les approches courantes, on trouve la thérapie cognitivo-comportementale, qui aide l’enfant à développer des compétences pour gérer les émotions et les comportements problématiques. La thérapie familiale peut également être bénéfique, en permettant aux parents et à l’enfant de travailler ensemble pour améliorer la communication et les interactions.
Dans certains cas, des interventions pharmacologiques peuvent être envisagées, en particulier lorsque des symptômes tels que l’impulsivité et l’agression sont sévères. Mais attention : il est préférable que les médicaments soient prescrits par un.e pédopsychiatre plutôt que par votre médecin généraliste. En effet, une analyse médico-psychologique suffisamment pointue de la situation devra être réalisée au préalable par des spécialistes de la question.
Augmenter les comportements positifs chez l’enfant présentant des troubles du comportement
Traiter les troubles du comportement chez les enfants implique non seulement de gérer les comportements difficiles, mais aussi de favoriser les comportements positifs et de stimuler la croissance à long terme. L’intervention précoce est cruciale, car elle peut prévenir l’aggravation des problèmes comportementaux et fournir aux enfants les outils nécessaires pour réussir sur le plan social, scolaire et émotionnel.
Une approche efficace consiste à mettre en place des techniques de modification du comportement. Ces techniques visent à identifier les déclencheurs des comportements négatifs et à les remplacer par des alternatives plus appropriées. Le renforcement positif, tel que les récompenses pour les comportements souhaités, joue un rôle important dans la formation positive du comportement de l’enfant. La cohérence et la communication claire sont des éléments clés d’une modification réussie du comportement.
Les éducateurs et les parents peuvent collaborer pour créer des environnements favorables qui encouragent les comportements positifs. Les stratégies de gestion de classe qui favorisent la structure, la routine et des attentes claires peuvent jouer un rôle prépondérant dans la création d’un environnement propice à des comportements positifs. En offrant aux enfants des repères constants, nous leur donnons la sécurité nécessaire pour s’exprimer et interagir harmonieusement avec leurs camarades. De même, à la maison, instaurer des routines régulières peut apporter un sentiment de stabilité et aider l’enfant à anticiper les attentes.
Utilisation de l’écoute active avec l’enfant souffrant de troubles du comportement
Cependant, il est essentiel de se rappeler que la patience et la compréhension sont des éléments fondamentaux. Les comportements défis peuvent être un moyen pour les enfants d’exprimer leurs émotions, leurs frustrations ou leurs besoins non comblés. Écouter activement et communiquer ouvertement avec l’enfant permet de mieux cerner les facteurs déclencheurs et d’adopter une approche plus empathique.
En fin de compte, la clé pour aborder les troubles du comportement chez l’enfant réside dans une approche globale et bienveillante. Chaque enfant est unique et mérite d’être compris dans son contexte individuel. Les recherches en psychologie continuent de progresser, enrichissant notre boîte à outils pour mieux répondre aux besoins de ces enfants.
Pour ce faire, il est essentiel que vous ayez vous-même réalisé au préalable un travail psychologique permettant d’éliminer des difficultés telles que le burn-out maternel. Nous avons déjà abordé cette question dans l’article traitant de ses effets sur la santé mentale des mamans. Sans cela, l’écoute active de votre enfant sera rendue plus difficile. Tout simplement parce que vous ne serez pas disponible pour lui si vous-même ne vous êtes pas préoccupée de votre propre santé mentale !
Responsabiliser davantage les adultes entourant l’enfant atteint de troubles du comportement
En somme, si les troubles du comportement peuvent poser des défis, ils offrent également l’occasion de renforcer nos compétences en tant qu’adultes responsables de leur épanouissement. En offrant un soutien attentif et une guidance adaptée, nous pouvons contribuer à façonner des adultes confiants, empathiques et équilibrés. Chaque pas que nous faisons aujourd’hui dans cette direction crée des répercussions positives durables pour l’avenir de ces enfants et pour notre société dans son ensemble.
En conclusion, l’étude des troubles du comportement chez l’enfant offre une perspective captivante sur le fonctionnement complexe de la psyché enfantine. Grâce aux avancées en psychologie de l’enfance, nous avons acquis une meilleure compréhension des origines et des mécanismes de ces comportements complexes. Toutefois, il est essentiel de garder à l’esprit que chaque enfant est unique et que les troubles du comportement sont multidimensionnels, résultant de l’interaction entre des facteurs biologiques, génétiques, environnementaux et sociaux.
Face à ces défis, l’espoir réside dans les interventions ciblées et les stratégies de soutien que nous pouvons offrir à ces enfants. En reconnaissant les signes précoces, en cherchant une assistance professionnelle et en adoptant une approche collaborative entre parents, éducateurs et thérapeutes, nous pouvons offrir aux enfants les outils nécessaires pour surmonter ces difficultés. Il est crucial de ne pas stigmatiser les enfants aux prises avec des troubles du comportement, mais plutôt de les entourer d’un environnement positif, compréhensif et attentif à leurs besoins.